Annonce des radars sur Facebook : l'Etat est schizophrène !


Le 9 septembre 2014, quinze personnes comparaissaient devant le Tribunal Correctionnel de Rodez pour avoir créé ou alimenté une page Facebook sur laquelle les conducteurs s’informent de la présence de radars sur les routes. Avant que le Tribunal ne rende son jugement en décembre, Maitre Régley démontre en quoi ces pages ne sont pas illégales et dévoile la réalité de cette action, entre coup de poings et coup de com.


Créée en 2012, la page Facebook qui dit « où est la police en Aveyron » est sur la sellette. Pour le Procureur de la République, 15 personnes incitent les autres à se soustraire à la constatation d’une infraction routière, tel que prévu par l’article R.413-15 du Code de la route. Une suspension du permis de 3 ans et 1500 euros d’amende sont encourus.
Pour fonder ses poursuites, le Ministère Public vise un texte réglementaire – R.413-15 du Code de la route qui interdit (épargnons-nous la lecture intégrale indigeste) de détenir un instrument, un dispositif ou produit qui, de par sa nature, détecte les radars, brouille les ondes, ou tout appareil qui permettrait de se soustraire à la constatation d’infractions routières.

Deux questions se posent donc pour savoir si la création ou l’alimentation d’une telle page est illégale :

1 – Facebook est-il un instrument, un dispositif ou un produit qui détecte, de par sa nature, les radars ou les ondes ?

La réponse est dans la question. Facebook n’est pas un instrument. Il pourrait éventuellement être considéré comme un dispositif ou un produit. Mais, que ce soit le réseau social ou le smartphone et l’ordinateur qui permettent la connexion, aucun ne détecte les radars par nature. Autrement dit, si l’appareil, le dispositif ou le produit en question n’a pas été confectionné pour détecter ou brouiller, alors il n’y a aucun problème.

Dans ces conditions, certaines marques commercialisent des instruments qui n’ont pour vocation que de détecter des radars. Ces appareils sont, par nature, dédiés à cela. Facebook, un téléphone ou un ordinateur ne sont pas conçus pour cela.

Certains pourraient prétendre que la page Facebook en question a été spécialement créée pour ce faire et est donc, par nature, destinée à détecter les radars. Cependant, rappelons d’une part que la page ne détecte pas les radars (ce sont les personnes qui les détectent et non la page en elle-même) et d’autre part que la page en question délivre d’autres informations que le positionnement de ces appareils.

2 – Si Facebook était considéré comme un instrument ou un produit destiné exclusivement à la détection de radars, son utilisation a-t-elle pour objet de se « soustraire à la constatation d’une infraction » ?

Pour le Ministère Public, l’information délivrée a pour effet d’empêcher les « contrevenants » qui rouleraient trop rapidement d’être verbalisés et donc, de se soustraire. L’argument ne manque pas de surprendre à plusieurs titres :

Tout d’abord, une telle affirmation consiste à prétendre que tous les utilisateurs du compte roulent au-dessus de la norme…. Belle preuve de la présomption d’innocence…
Ensuite, le but du Procureur de la République est d’assurer la sécurité sur les routes, et particulièrement dans les zones de danger. Or, que fait l’automobiliste qui reçoit l’information ? Il ralentit pour se conformer à la vitesse autorisée. Il cesse alors toute infraction. Le Procureur est donc satisfait. La sécurité est assurée.

Enfin, il est très étonnant de constater que l’on reproche à des utilisateurs Facebook ce que l’Etat fait lui même… En effet, en apposant des panneaux sur le bord de la route indiquant que des contrôles sont effectués, l’Etat incite les gens à ralentir et donc, ceux qui roulent trop vite à se mettre en conformité. Notons également que certaines radios publiques n’hésitent pas à avertir de contrôles radars mobiles sur les autoroutes, radios vivant de subventions de l’Etat…

Me Régley est formel : « Ces pages internet sont légales ! »

Que conclure de cette affaire ? Sur un plan juridique, l’interprétation stricte des textes ne permet pas une condamnation. Sur un plan sociétal, il est intéressant de voir que, en temps de crise, les citoyens sont solidaires. Et notre Histoire est faite de mouvements solidaires contre l'administration surtout lorsqu’il est considéré comme illégitime.
Enfin, sur un plan polémique, nous pouvons constater que derrière la bannière de la sécurité routière se cache en fait un autre problème : si les gens ralentissent devant les radars, l’Etat encaissera simplement moins d’argent provenant des amendes et en temps de disette, cette recette semble bien indispensable !

Maître Antoine Régley du barreau de Lille est pénaliste et spécialiste en droit routier et du permis de conduire. Plaideur reconnu, son domaine de prédilection est la procédure et donc la recherche des vices de formes, son objectif est de permettre à ses clients de conserver leur permis.
Son cabinet se situe rue de Solférino à Lille.

Jeudi 1 Février 2018
Permis Pratique


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